A la date du 3 juin 2020, la Côte d’Ivoire comptait 3 110 cas de Covid-19 dont 1 530 personnes guéries et 35 décès. Mais selon le Représentant-Pays de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui s’exprimait ce 4 juin 2020 à l’occasion d’un échange organisé par l’Association de la presse étrangère en Côte d’Ivoire, la pandémie pourrait prendre de l’ampleur avec le relâchement dans l’application des mesures barrières.
« On observe une augmentation progressive du nombre de cas comme dans les autres pays d’ailleurs, et nous voyons qu’il y a une transmission communautaire en ce qui concerne la Côte d’Ivoire », fait remarquer Dr Jean-Marie Yaméogo. « Il suffit de prendre la rue et vous voyez qu’il y a très peu de gens, sinon moins de 50% de la population, qui portent le masque dans les lieux publics. Cela est préoccupant. Ça veut dire qu’on ne pourra pas interrompre la transmission communautaire. Ça veut dire également que nous devons nous attendre à beaucoup plus de cas tant dans la région d’Abidjan, qui est la plus affectée, qu’à l’intérieur du pays », prévient-il.
D’ailleurs, Dr Jean-Marie Yaméogo souligne que les prévisions de l’OMS estiment à près de 83 000 à 190 000 personnes en Afrique qui pourraient mourir du Covid et entre 29 millions et 44 millions de personnes qui pourraient être infectées en Afrique au cours de la première année de la pandémie si les mesures de « confinement ou d’endiguement » ne sont pas mises en œuvre.
A quand le pic de la pandémie en Côte d’Ivoire ?
A quand le pic de la maladie en Côte d’Ivoire ? A cette question, le Représentant-Pays a expliqué que le premier producteur mondial de cacao connait une transmission communautaire avec une moyenne entre 50 et 80 cas par jour. « La transmission est soutenue, elle est communautaire, elle est maintenue. Donc il faut que nous intégrions cette maladie dans la surveillance globale des maladies au sein de la population. Donc nous ne pouvons pas dire qu’il y a un pic à venir ou il y a pic qui est passé. Nous sommes dans une phase d’état de la maladie qui est évolutive et qui est constante », décrit-il.
Dr Jean-Marie Yaméogo justifie la hausse des cas de Covid ces derniers jours par deux facteurs principaux. D’abord, l’augmentation des dépistages due à l’accroissement des centres de dépistage ouverts notamment dans l’ensemble des communes d’Abidjan, au renforcement de la sensibilisation et à la fréquentation des centres de dépistage par les populations qui cherchent de plus en plus à connaitre leur statut. « C’est possible mais nous n’avons pas le lien direct entre la levée des restrictions et l’infection. Mais c’est une hypothèse que nous émettons et on appelle toute la population à maintenir les mesures de protection individuelle », ajoute-t-il.
Alors que le couvre-feu a été levé, les maquis et restaurants ont ouvert, les rassemblements sont possibles jusqu’à 200 personnes et les élèves et étudiants ont repris le chemin de l’école, il soutient que l’OMS recommande une « approche progressive » dans l’assouplissement des mesures de restriction ou de déconfinement. Car, explique, il faut s’assurer que le pays a les structures de santé et les capacités de dépistage et de prise en charge des patients sur l’ensemble du territoire. « Lorsque nous observons ce qui s’est passé, nous pensons que l’approche progressive a été, je crois, mal comprise par la population parce que la levée de certaines mesures a entrainé rapidement un changement de comportement, en se disant : ‘’il n’y a plus de cas, la Covid est finie, on peut faire comme avant’’ (…) La non observation de ces mesures-là est un facteur inquiétant qui pourrait emmener un maintien de la transmission de la maladie », juge-t-il.
Il faut « apprendre à vivre avec ce virus »
Le conférencier a aussi estimé que l’on doit « apprendre à vivre avec ce virus » à l’instar d’autres maladies comme les autres grippes, la rougeole, la méningite, le paludisme, etc. Il faut juste assurer la surveillance. « En Côte d’Ivoire, on a déjà commencé dès le mois de mars 2020 à intégrer la Covid-19 dans la base de données des maladies sous surveillance. Nous avons défini des seuils épidémiques de la maladie par région, par district, et c’est désormais le mode de vie et nous allons observer et surveiller la maladie tout au long de l’année », assure Dr Jean-Marie Yaméogo avant d’ajouter : « Nous pourrons avoir une cassure de cette pandémie lorsque nous aurons par exemple mis au point un vaccin et lorsque nous aurons trouvé aussi un remède efficace. Parce que si on vaccine toute la population, on peut casser la pandémie et dire qu’il n’y a plus de pandémie ».
Le Représentant-Pays de l’OMS pense que les vols internationaux peuvent reprendre « sans problème », tout comme le trafic par voie terrestre, ferroviaire ou maritime. Il estime toutefois qu’il faut mettre en place à chaque point d’entrée du pays un mécanisme de contrôle et des mesures strictes de suivi des personnes à risque.
Le budget de l’OMS est estimé à environ 1, 740 milliard de dollars au niveau mondiale et à au moins 450 millions de dollars pour la région africaine pour lutter contre la pandémie de Covid-19 et pour faire face aux besoins prioritaires de santé. C’est pourquoi il a déploré le retrait des Etats-Unis de l’organisation onusienne. « Si on n’a pas d’autres bailleurs de fonds ou d’autres financements, il y aura un prix à payer en ce qui concerne la prise en charge des plus vulnérables. Cela est regrettable mais nous souhaitons vivement que les Etats-Unis reviennent sur leur position parce que la mission de l’OMS est celle des pays, est celle des Etats-membres », a plaidé Dr Jean-Marie Yaméogo.
Il a enfin affirmé que l’OMS a décidé de reprendre les essais – après que la revue The Lancet ait reconnu des « insuffisances » dans l’étude qu’elle a publiée – afin d’aboutir à de meilleures réponses en ce qui concerne l’usage de la chloroquine.
Anderson Diédri