Liberté et démocratie pour la république (LIDER), le parti de Mamadou Koulibaly, ex-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et candidat déclaré à l’élection présidentielle prévue le 31 octobre 2020, a indiqué dans un Tweet le 15 juillet 2020 que le gouvernement est le « premier à violer les mesures barrières » mis en place dans le cadre de la lutte contre la pandémie de la Covid-19.
LIDER a republié un Tweet de Le Média Ivoirien montrant des photos du rassemblement le 15 juillet 2020 au parc des Sports de Treichville pour rendre hommage au Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, décédé le 8 juillet 2020. Le Média Ivoirien ajoute que « les ivoiriens se sont rendus massivement au palais des sports pour rendre hommage au Premier Ministre ».
Ce rassemblement a également été relayé par Opera News. « Selon le Conseil National de sécurité, les rassemblements de plus de 50 personnes sont interdits dans le grand Abidjan », rappelle ce média en ligne, ajoutant que les obsèques du Premier Ministre semblent « contredire » les règles établies par le gouvernement : « Le gouvernement doit respecter ses propres décisions afin que le peuple, à son tour, soit discipliné. La loi est valable pour tous ».
Quelles sont les mesures barrières prises par le gouvernement ?
Dès le début de la pandémie, notamment à la date de découverte du premier cas positif de Covid-19 en Côte d’Ivoire le 11 mars 2020, le ministre de la santé et de l’hygiène publique, Eugène Aka Aouélé, a exhorté les populations au respect des « mesures préventives » que sont notamment le lavage fréquent des mains avec de l’eau et du savon ou le gel hydroalcoolique et la distanciation sociale. L’objectif est de freiner la propagation du virus.
Le 16 mars 2020, à l’issue de la première réunion du Conseil National de Sécurité (CNS) consacrée à la pandémie, les autorités ont décidé des mesures additionnelles telles que le respect d’une distance d’au moins un mètre entre les personnes dans les grandes surfaces, les maquis, les restaurants, les entreprises, la zone aéroportuaire et les lieux publics et l’interdiction des rassemblements de population de plus de 50 personnes pour une période de 15 jours renouvelable à compter du 18 mars 2020.
Ces mesures barrières sont renforcées au terme duConseil National de Sécurité le 9 avril 2020 qui a rendu obligatoire le port de masques, notamment dans le Grand Abidjan.
Le CNS a décidé le 14 mai 2020 la levée à compter du vendredi 15 mai 2020 du couvre-feu instauré le 24 mars 2020, ainsi que du réaménagement des mesures de restriction de rassemblements de population, initialement plafonnées à 50 personnes, qui passent à 200 personnes.
Cette mesure a été révisée le 11 juin 2020. Le CNS a ainsi décidé du maintien de l’interdiction des rassemblements de population au-delà de 200 personnes pour l’intérieur du pays et la réduction à 50 personnes maximum à Abidjan.
Les autorités invitent régulièrement les populations à respecter « scrupuleusement les mesures barrières ».
Et dans sa dernière décision du 13 juillet 2020, à travers laquelle le gouvernement a mis fin à l’isolement du grand Abidjan à partir du 15 juillet, le Conseil national de sécurité n’a pas levé la mesure de limitation du nombre de personnes pour les rassemblements à Abidjan et à l’intérieur du pays.
Les mesures barrières ont-elles été violées ?
Les mesures barrières ont-elles été violées à l’occasion de la cérémonie d’hommage au défunt Premier ministre au parc des Sports, d’une capacité d’accueil d’au moins de 4 000 places, où les ivoiriens se sont rendus « massivement » ?
Pour Geoffroy Julien Kouao, enseignant de droit public, « l’interdiction de rassemblement dans le grand Abidjan n’est pas levée ». Par conséquant, affirme le juriste, « tout rassemblement au delà de 50 personnes, à Abidjan, jusqu’à la levée de l’interdiction, prend valeur de non respect de cette mesure d’interdiction ».
Il rappelle que l’administration est tenue de respecter et de se soumettre aux règles qu’elle edicte, « c’est là tout le sens du principe de légalité ». « La violation d’une règle juridique ne signifie pas sa sortie en vigueur », fait-il observer.
Le politologue et écrivain précise toutefois que le communiqué du Conseil national de sécurité limitant le nombre de personnes dans les rassemblements n’a pas une valeur juridique : « Un communiqué n’a pas de valeur juridique parce que n’étant pas une norme juridique. Seuls ont une valeur juridique, la constitution, le traité, la loi, le décret, l’ordonnance, l’arrêté, la décision… C’est-à-dire les normes et actes juridiques. Le communiqué peut faire mention d’une norme juridique qui sert de fondement juridique à une décision prise par un organisme ou une autorité ».
Des sanctions sont-elles prévues ?
En effet, le Conseil National de Sécurité a décidé, le 9 avril 2020, la réduction du nombre de passagers dans les véhicules de transport en commun et dans les véhicules personnels et ajouté qu’un arrêté du Ministre des Transports précisera les modalités d’application.
Ainsi, l’Arrêté N° 0015 MT du 14 avril 2020 portant réglementation de la circulation des personnes à bord des véhicules ou des bateaux et embarcations flottantes en période de lutte contre le Covid-19, limite de nombre de passagers et « fait obligation à tout conducteur ou pilote d’exiger le port du masque à ses passagers avant embarquement ».
En cas de non-respect de cette disposition, qui s’applique dans les régions et districts autonomes de plus de deux cas confirmés de Covid-19, le conducteur ou pilote est sanctionné par une peine d’emprisonnement de dix jours et d’une amende de 50 000 francs, ou l’une de ces deux peines seulement.
En outre, le ministre de la sécurité et de la protection civile, le général Vagondo Diomandé, a annoncé le 20 juillet 2020 que des sanctions seront prises en cas de non-respect des mesures barrières, sans plus de précisions : « Ces sanctions seront de différents ordres. Elles seront fixées et portées à la connaissance du grand public, selon la catégorie des fautes qui seront commises. Ces sanctions porteront, dans un premier temps, sur des amendes ».
Ce qu’il faut retenir
En conclusion, l’interdiction des rassemblements de population au-delà de 200 personnes pour l’intérieur du pays et 50 personnes pour Abidjan décidée par le Conseil national de sécurité le 11 juin 2020 reste en vigueur. Cette mesure n’ayant pas été levée, le rassemblement massif au parc des sports de Treichville en hommage à l’ex-Premier ministre « prend valeur de non respect de cette mesure d’interdiction », souligne le juriste Geoffroy Julien Kouao.
Toutefois, le communiqué du Conseil national de sécurité n’a pas une valeur juridique. Ce n’est pas une loi. Il n’est pas exact de dire que « la loi est valable pour tous », comme l’a écrit Opera News.
Anderson Diédri