Dans un article publié le 16 juillet 2020, Daily Nation, un média basé au Kenya, rapporte qu’« une nouvelle étude suggère que les personnes qui marchent lentement sont plus à risque de contracter de graves Covid-19, qu’elles soient obèses ou non ».
« Bien que l’obésité se soit révélée être un facteur de risque de Covid-19 qui a exacerbé les symptômes de la maladie, les marcheurs lents se sont révélés présenter le risque le plus élevé de formes graves de la maladie, quel que soit le statut d’obésité », écrit le média, citant une étude publiée sur medRxiv, un serveur spécialisé dans la diffusion des rapports préliminaires de recherche sur la santé qui n’ont pas été validés par des pairs.
Cet article a été partagé sur Facebook par First Magazine, une page très célèbre en Côte d’Ivoire et comptant plus de 2 millionsd’abonnés sur ce réseau social.
Que dit précisément cette étude ?
Cette étudepubliée le 11 juillet 2020 a porté sur 414 201 participants issus de la Biobanque(base de données sur les données de santé) britannique. Elle a analysé le risque de Covid-19 sévère (à l’hôpital) dans toutes les catégories d’obésité et de rythme de marche (lent ou rapide). Au 20 juin 2020, 972 cas graves de Covid-19 ont été enregistrés.
Les résultants soulignent que les marcheurs rapides obèses et les marcheurs lents de poids normal étaient exposés à un risque de Covid-19 sévère, même si cela était dans une proportion différente.
L’étude conclut que le risque de développer une forme sévère de Covid-19 était présente aussi bien chez les personnes ayant un rythme de marche lente que chez celles ayant un rythme de marche rapide, qu’on soit obèse ou non.
« Les marcheurs lents présentaient le risque le plus élevé de Covid-19 sévère, quel que soit leur statut d’obésité », écrivent leurs auteurs avant de poursuivre : « Le rythme de marche auto-déclaré, une simple mesure de la condition physique fonctionnelle, semble être un facteur de risque de COVID-19 sévère indépendant de l’obésité ».
Une préprint, aucune validation par la communauté scientifique
Interrogée, Dr Sarra Ben Nasr, biologiste à l’université Carthageen Tunisie, a déclaré qu’aucune preuve scientifique ne permet d’affirmer que le rythme de marche est un facteur associé au risque de Covid-19 sévère : « Certes, les recherches évoluent, mais à ce jour, aucune preuve scientifique ou étude n’existe sur ce sujet ».
En effet, cette étude citée par Daily Nation est une prépublication (préprint). En règle générale, avant leur publication dans des revues spécialisées, les articles scientifiques et médicaux sont certifiéspar un «examen par les pairs», c’est-à-dire validés par le comité de rédaction d’une revue scientifique. Mais ce processus de validation étant parfois long, les auteurs publient souvent les résultats préliminaires de leurs travaux afin de permettre à d’autres scientifiques de « voir, discuter et commenter les résultats immédiatement ».
D’ailleurs, medRxivqui a publié cette étude prévient sur son site : « les lecteurs doivent donc être conscients que les articles sur medRxiv n’ont pas été finalisés par les auteurs, peuvent contenir des erreurs et rapporter des informations qui n’ont pas encore été acceptées ou approuvées de quelque manière que ce soit par la communauté scientifique ou médicale ».
L’obésité, un facteur de risque de la Covid-19
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), « environ une personne sur cinq contractant la maladie présente des symptômes graves, notamment des difficultés à respirer ».
L’obésité est également un facteur de risque du coronavirus. « Les personnes plus âgées et celles qui ont d’autres problèmes de santé (hypertension artérielle, problèmes cardiaques ou pulmonaires, diabète ou cancer) ont plus de risque de présenter des symptômes graves. Toutefois, n’importe qui peut contracter la Covid-19 et tomber gravement malade », explique l’OMS.
Une étude publiée le 8 mai 2020 par l’université de Oxford (Angleterre) conclut que l’obésité est « un facteur de risque significatif pour le développement d’un Covid-19 sévère, en particulier chez les patients plus jeunes âgés de moins de 60 ans ».
En outre, dans un avis publié le 31 mars 2020, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) en Francesouligne que « suite à des publications récentes, l’obésité avec indice de masse corporelle supérieur à 30/m2, est désormais identifiée comme facteur de risque de développer une forme grave de Covid-19 ».
Aucune preuve scientifique acceptée
En conclusion, aucune preuve scientifique acceptée ne permet d’affirmer que les personnes qui marchent lentement courent un risque plus élevé de contracter une forme sévère de Covid-19. L’étude relayée dans l’article du Daily Nation est une prépublication qui n’a pas été validée par les pairs. Toutefois, des études prouvent que l’obésité est un facteur de risque de développer une forme grave de Covid-19.
Mohamed Compaoré