Une publication sur les réseaux sociaux laisse penser que le coronavirus découvert en Chine fin 2019 a été créé par manipulation humaine. « Voici l’homme qui a fabriqué et vendu le virus du corona à la Chine. Il s’appelle le Prof. Dr. Charles Lieber, chef du département de chimie et de biologie de l’Université d’Harvard aux Etats-Unis. Il vient d’être arrêté, selon la source du département américain », peut-on entendre dans une courte vidéo de 28 secondes publiée sur Facebook le 12 mai 2020. « Voilà le genre de message qui circule depuis le 2 mars et qui continue à alimenter les réseaux sociaux depuis le quotidien terrible à l’ère du Covid-19, notamment aux Etats-Unis », commente le journaliste de la radio française RTL dans cette vidéo. Cette publication a été partagée plus de 6 000 fois sur Facebook.
D’autres publications sur cette arrestation avaient été déjà repérées le 4 mai 2020 par Africa Check.
Une vidéo manipulée
En effet, dans une émission diffusée le 9 avril 2020, RTL rectifie une Fake news parlant de l’arrestation de Charles Lieber. En expliquant son travail de fact checking, le journaliste rappelle en citant textuellement au début de cette émission radio les fausses informations relayées sur les réseaux sociaux.
C’est cette partie de rappel qui est extraite de l’émission et diffusée sur Facebook. Sinon, la vidéo publiée par RTL dure 2 minutes 56 secondes. Sur son site internet, la radio explique : « Depuis le 2 mars dernier, la photo du scientifique Charles Lieber circule sur les réseaux sociaux : il est accusé d’avoir créé le Covid-19. C’est totalement faux », écrit la radio française sur son site internet.
Pourquoi le Pr Charles Lieber a été arrêté ?
Le Professeur Charles Lieber, 60 ans, président du département de chimie et de biologie chimique de l’Université de Harvard, a été arrêté le 28 janvier 2020 et non le 2 mars 2020. Il est accusé d’avoir fait une déclaration « fausse, fictive et frauduleuse » pour avoir reçu des subventions de l’institut national de la santé et du ministère de la défense américain mais aussi des subventions chinoises sans déclarer ces derniers, ce qui est considéré comme un conflit d’intérêts, explique la justice américaine : « Ces subventions nécessitent la divulgation des conflits d’intérêts financiers étrangers importants, y compris le soutien financier de gouvernements étrangers ou d’entités étrangères. À l’insu de l’Université de Harvard à partir de 2011, Lieber est devenu un «scientifique stratégique» à l’Université de technologie de Wuhan (WUT) en Chine et a été un participant contractuel au plan des mille talents de la Chine de 2012 à 2017 environ ».
Selon le département de la justice, le plan des mille talents de la Chine est l’un des plans de recrutement les plus importants qui visent à attirer les talents chinois à l’étranger et les experts étrangers de haut niveau pour apporter leurs connaissances et leur expérience pour favoriser le développement scientifique, la prospérité économique et la sécurité nationale de la Chine.
« Selon les termes du contrat de trois ans de Thousand Talents de Lieber, WUT a payé à Lieber 50 000 USD par mois, des frais de subsistance pouvant atteindre 1 000 000 Yuan chinois (environ 158 000 USD à l’époque) et lui a attribué plus de 1,5 million de dollars pour établir un laboratoire de recherche à WUT. En retour, Lieber a été obligé de travailler pour WUT «pas moins de neuf mois par an» en «déclarant des projets de coopération internationale, en cultivant de jeunes enseignants et des doctorants, étudiants, organisation de conférences internationales… », détaille la justice américaine.
L’arrestation du professeur Charles Lieber n’est donc pas liée à l’apparition du coronavirus en Chine.
Le virus est-il issu d’une invention humaine ?
L’idée que la maladie de la Covid-19 a pas été créée par l’homme est partie d’une étude de chercheurs indiens dont les résultats préliminaires publiés en janvier 2020 soulignent des similitudes entre la séquence génétique du VIH et celle du SARS-CoV-2. Ce qui laisse penser que le virus résulterait d’une erreur humaine commise dans le laboratoire de Wuhan en recherchant un vaccin contre le VIH. Cette étude a été retirée par ses auteurs qui « ont l’intention de [la] réviser en réponse aux commentaires reçus de la communauté des chercheurs sur leur approche technique et leur interprétation des résultats ».
Pour l’Institut Pasteur (France), les analyses montrent clairement que le SARS-CoV-2 n’est pas une construction de laboratoire ou un virus délibérément manipulé. Le fait de retrouver une séquence du VIH dans le génome du coronavirus SARS-CoV-2, ne veut pas dire que le second dérive du premier, explique Etienne Simon-Lorière, virologue à l’Institut Pasteur. « Les séquences génétiques sont constituées par une suite de lettres. Si on examine une très courte série de lettres prises au hasard dans une séquence, elles peuvent ressembler à un petit fragment d’une autre séquence sans qu’il y ait un lien direct. De manière imagée, si on choisit un mot dans un livre et que ce mot est aussi trouvé dans un autre livre, cela ne veut pas dire que le premier livre a copié le second », souligne-t-il.
Les conclusions d’une étude réalisée
Une autre étude publiée le 17 mars 2020 dans la revue scientifique Nature Medicine conclut que le virus ne provient pas d’une manipulation génétique : « Nos analyses montrent clairement que le SRAS-CoV-2 n’est pas une construction de laboratoire ou un virus délibérément manipulé ».
C’est ce que dit également le Professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection à Marseille. « L’hypothèse la plus vraisemblable c’est qu’au départ c’était une zoonose, c’est-à-dire un virus qui affectait les animaux, qui est passé chez l’homme et qui s’est adapté chez l’homme pour devenir transmissible. Donc pour l’instant c’est comme ça que se sont passées toutes les affections virales », fait remarquer l’infectiologue français le 17 mai 2020 dans une interview à la chaine de télévision chinoise CGTN. « Chaque fois qu’il y a un virus nouveau qui apparait, tout le monde peut avoir l’hypothèse que ça été fabriqué par l’homme. Pour l’instant, personne ne sait faire des virus pathogènes chez l’homme », poursuit l’universitaire.
En conclusion, le Professeur Charles Lieber, chef du département de chimie et de biologie de l’Université d’Harvard a été arrêté aux Etats-Unis le 28 janvier 2020 et non le 2 mars 2020. Son arrestation n’est pas liée à l’apparition du coronavirus en Chine fin 2019. Cette théorie selon laquelle le virus a été « fabriqué » et « vendu » est fausse, puisque le virus n’est pas issu de manipulation de laboratoire comme le montrent les études et les experts.
Anderson Diédri